Savoir-Vivre ou Mourir
« Il y a dans les meilleurs conseils de quoi déplaire ; ils viennent d'ailleurs que de notre esprit, c'est assez pour être rejetés d'abord par présomption et par humeur, et suivis seulement par nécessité ou par réflexion » (La Bruyère)




Vanité des vanités, tout est vanité et poursuite du vent
(Ecclésiaste 2 17)


Le 6 mars 2019, après une quinzaine d’années de présence discrète sur la toile, je décidai de saborder le site « Savoir-Vivre ou Mourir ».

Non que j'eusse honte, à l'usure, des ridicules nombreux qui émaillaient ses pages - depuis les conseils pour valets de chambre jusqu'à certaines paresses littéraires et facilités de jeunesse -, non que je considérasse qu'il n'avait plus d'utilité dans une époque marquée par la désinvolture intellectuelle, l’enlaidissement généralisé et la putasserie chaque jour plus écœurante, mais parce que je trouvai soudain qu'effacer ses pas était la posture élégante qui convenait.

Attitude ultime, cohérente de ce que ce site prétendait être : un objet à rebours, tranchant en son monde par son absence délibérée d'interactivité et son orientation textuelle, insulte contre le glissement désordonné vers la vidéo et les images qui se consomment sans effort et sans joie et qui enterrent un peu plus le cadavre des échanges littéraires.

Tel était son projet esthétique ; quant à son projet philosophique, il était de rétablir en ses États un dandysme véritable et anti-mondain. Il ne fut en cela qu’une goutte d'eau contre les flammes de la cuistrerie cérémonieuse et de l'égalitarisme forcené mais au moins aura-t-il permis, à la poignée de ceux qui s’intéressaient au sujet, d’avoir un contrepoint solide face aux récupérations honteuses qui voient du dandysme partout, et surtout là où la laideur règne.

Et puis, à travers le dandysme, ce site avait l'ambition de promouvoir une certaine idée de la Beauté et de l'Art, d'inviter à une conversion profonde dont le point de départ pouvait être un nœud de cravate glané sur une page en noir et blanc. J’ose espérer qu’en ce domaine le bilan n’est pas ridicule.

Face à un quarteron d’idiots qui se proclamaient dandys avec véhémence, j’avais écrit il y a quelques années que loin de ces concours inappropriés je n’étais qu’un « petit bourgeois français catholique et universaliste, qui plus est très imparfait en chacun de ces domaines ». Saborder ce site consacré à un des plus beaux aspects de la vanité humaine un mercredi des Cendres est une dernière facette du masque que j'offre aux visiteurs de ce site.

Wotk


P. S. - Vous pouvez toujours m'envoyer un message à l'adresse svm.contact@gmail.com, je serai ravi d'échanger avec vous.


Ce site a été sabordé le mercredi 6 mars 2019
Première édition : 31 décembre 2003. Cinquième et présente édition : 6 mars 2019
Droits réservés Wotk 2003 - 2019.



Préface de la quatrième édition (27 mars 2006)

Vanité des vanités, tout est vanité et poursuite du vent
(Ecclésiaste 2 17)


Qu'un site internet consacré au dandysme s'ouvre sur une Vanité du XVIIème siècle entourée de deux Beau Brummell peut étonner. On pourrait s'attendre, d'après la mode actuelle qui attribue généreusement le titre de dandy à n'importe quel costumé ou dépressif, à une ouverture plus moderne, ou, pour utiliser un monstre sémantique, plus « glamour ». Le dandysme fut au contraire une attitude, une posture, une philosophie infiniment plus profondes que ces superficialités ; il fut une réponse à l'angoisse métaphysique que la Vanité de Philippe de Champaigne (1602 – 1674) matérialise.

Les dandys furent, au cœur du XIXème siècle, la rencontre d'une angoisse métaphysique et spirituelle, d'un contexte historique et d'une mode anglophile – presque anglomane – en France. Le culte de la Beauté, de l'Élégance, les soins minutieux de toilette tendirent les existences de Beau Brummell, le premier des dandys, de Lord Byron, d'Oscar Wilde, de Barbey d'Aurevilly et de tant d'autres. Mais cette recherche esthétique ne fut sans doute que le symptôme d'un mal plus aigu, plus profond, qui caractérise autant sinon plus le dandysme. La recherche d'un Idéal et le dégoût d'une société médiocre et veule furent en effet d'autres constantes du dandysme.

Si le dandy s'impose aujourd'hui comme une figure historique incontournable, c'est sans doute plus grâce à la Littérature qu'à l'Histoire. Nombreux en effet furent les écrivains qui esquissèrent des dandys dans leurs romans, à commencer par Balzac. Dans la Comédie Humaine, des dandys de tous types, plus ou moins éphémères, hantent les salons et les boulevards parisiens. Ce sont, parmi d'autres, Marsay, Rastignac ou Lucien de Rubempré. Plus tard dans le XIXème siècle, les deux « bibles du décadentisme », À rebours de Huysmans et Monsieur de Phocas de Jean Lorrain s'articulèrent presque exclusivement autour d'un personnage de dandy.

L'utilisation romanesque des figures historiques du dandysme n'aurait rien été sans la contribution essentielle de Baudelaire. Le poète qui avait sans doute le mieux compris les angoisses de son temps fut en effet l'auteur d'un essai sur le dandysme. Cette tentative, ainsi que le Du dandysme et de George Brummel de Barbey d'Aurevilly, fut essentielle car elle dégagea des similitudes dans le cénacle improbable et contradictoire du dandysme. Rien, en effet, ne semblait réunir l'impassible et sobre Brummell et l'excentrique et héroïque Byron.

Que fut donc, alors, le dandysme ? D'après Baudelaire, il fut une attitude à la fois temporelle et spirituelle. Il fut un élitisme combattant le vulgaire et la bêtise, à la manière de Barbey d'Aurevilly, virulent et superbe arbitre de son temps. Il fut également une quête. Quête temporelle avec la mise en représentation constante de l'individu, la recherche intransigeante du raffinement ou de l'excentricité ; quête spirituelle pour échapper au temps. Le temps qui passe, ennemi intime du dandy, fane son visage, élime ses vêtements et, surtout, le fait sombrer dans l'oubli. C'est pourquoi revint sans arrêt chez les dandys historiques cette question cruciale : comment échapper au temps ? La réponse à cette question, objet de La Recherche du Temps Perdu de Marcel Proust, est l'Art.

C'est pourquoi le dandy aspire à créer. Mais sa création est d'un genre nouveau. Certes certains furent écrivains, poètes ou peintres, mais la plupart sacrifia généralement ces œuvres à une autre, plus absolue : leur personne. Dans la Littérature comme dans l'Histoire, le dandy souffre de l'angoisse de la mort jusqu'à être, dans les romans de la décadence, fasciné par le morbide.

Figure historique et littéraire du XIXème siècle, le dandy doit rester attaché à ce siècle. Le premier coup de canon de la première guerre mondiale l'assassina : l'héroïsme, un siècle après Napoléon, était redevenu possible. Affubler un contemporain de la qualité de dandy est donc une escroquerie, pire, un barbarisme. S'il exprime des angoisses éternelles, si sa quête tragique d'Idéal est intemporelle, le dandy est, comme figure originale, ancré dans le XIXème siècle.

Ce site n'a pas d'autre vocation que de présenter quelques-unes de ces figures, de montrer par l'exemple le génie de personnages historiques ou l'acuité de romanciers. Ce site est également une esquisse, par la lorgnette du dandysme, du XIXème siècle, ce « siècle vaurien ». Parallèlement, ce site propose quelques conseils élémentaires destinés à ceux qui veulent, à rebours de l'époque, savoir vivre. Premiers pas vers un absolutisme du paraître, ces recueils de conseils ne sont qu'une invitation à poursuivre. Car l'important n'est pas de maîtriser un certain nombre de codes bourgeois mais de dessiner, à partir de ces codes – les gammes de l'élégance –, une personnalité originale et, to the happy few, transgressive.


Wotk




Préface des trois premières éditions (31 décembre 2003)

Vanité des vanités, tout est vanité et poursuite du vent
(Ecclésiaste 2 17)


Dans les années 1820-1830, une vague d'anglomanie déferla en France et chacun, dans les cercles parisiens post-napoléoniens, y alla de sa démonstration d'amour pour les modes de la perfide Albion. Dans cette explosion de chapeaux, d'accessoires et de poses allait apparaître un personnage singulier, le dandy. Des figures historiques - nombreuses et contradictoires - du dandysme, on peut relever George Bryan Brummel (1778-1844), Lord Byron (1788-1824) ou encore Oscar Wilde (1854-1900) tous anglais - ou irlandais - bien sûr. Cependant le vrai succès du dandysme vient de son appropriation par la littérature. Balzac s'inspira certes de ses contemporains, mais la réalité de Marsay, de Maximes de Trailles ou de Lucien de Rubempré est avant tout littéraire. Et ce fut Baudelaire qui, exprimant le mieux les souffrances du dandy, en construisit le mythe et le rendit, de fait, immortel.

Définir le dandysme est risqué car trop souvent réducteur. On peut suivre Baudelaire lorsqu'il affirme que "le dandysme confine au spiritualisme et au stoïcisme", mais cela ne permet pas de peindre le dandy dans son myriadisme. Plurivoque, le dandy se distingue cependant par trois traits récurrents : la mise en représentation de l'individu, la transgression sans rupture des valeurs établies et la quête permanente de l'impassibilité. Ce qui est certain, c'est que le dandy, s'attachant à outrance à ce qu'il appelle le "bon goût", voit au-delà des détails de gants ou de bottes. Le dandy est tout dans la séduction, dans le détail, dans la précision, ce qui fait de lui le créateur d'une nouvelle aristocratie, d'où le commun, vulgaire et prudhommesque, est exclu. Le dandysme est avant tout une attitude esthétique et morale, l'élégance matérielle n'étant jamais qu'un moyen d'y parvenir.

Aujourd'hui, il n'y a plus de dandy ; le Second Empire et la Troisième virent sa décadence et la Première Guerre Mondiale, marquant le retour à l'héroïsme, fut son fossoyeur. Quelques artistes de la fin du XXème siècle ont bien essayé de renouer avec une attitude dandy, mais la recherche esthétique n'était destinée qu'à montrer qu'au milieu de non-sens (guerre, violence, etc.) seule la futilité avait un sens. La différence avec les dandys du XIXème siècle est que ces derniers ne considéraient pas leur état comme une futilité (les "Illusions perdues" et "Splendeurs et Misères des courtisanes" sont des drames terribles ayant pour origine la recherche de la séduction et de l'élégance). Par ailleurs, le fait même de s'auto-proclamer dandy est une posture rédhibitoire à la condition d'icelui.

Quel sens alors pour ce site ? La réponse est simple. Autour de nous, nous remarquons que les usages les plus élémentaires ne sont plus respectés, que les manières ne sont plus bonnes et que n'importe quel bellâtre cravaté est qualifié de dandy par une foule de courtisans ignares. Nous pensons qu'il y a encore une certaine beauté dans la recherche esthétique, dans la maîtrise des innombrables codes qui régissent la vie quotidienne et dont nous donnons des résumés ici. Ce site vous fournira des conseils pratiques pour vous bien comporter et ne point commettre d'impairs en société. L'espoir que nous avons est que, pris dans le jeu des conseils les plus élémentaires, vous suiviez petit à petit les plus exigeants et que vous participiez, vous aussi, de par votre apparence et votre philosophie, au retour par bribes de l'attitude dandy.

Le chemin est long, difficile et, comme nous l'avons déjà dit, impossible. Hormis la ruine, un des autres pièges de ce cheminement intellectuel est la mégalomanie. Les dandys historiques étaient possédés par un narcissisme symptomatique. Il ne faut pas oublier que l'existence est limitée dans le temps et que les statues qu'on érige à sa propre gloire ne durent pas longtemps. Voilà pourquoi ce site s'ouvre sur une "Vanité" de Philippe de Champaigne (1602-1674).


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